Sommaire
ToggleEn 2024, la France a enregistré le taux le plus élevé d’attaques par ransomware en Europe, avec 74 % des entreprises déclarant avoir été touchées . Derrière ce chiffre alarmant se cache une réalité encore plus préoccupante : les petites et moyennes entreprises (PME), qui représentent l’épine dorsale de l’économie française, sont devenues les cibles privilégiées de ces cybercriminels.
Comment les ransomwares ont-ils évolué?
Les ransomwares, ou rançongiciels, sont des logiciels malveillants qui chiffrent les données d’une entreprise et exigent une rançon – souvent en cryptomonnaie – pour en restituer l’accès. Si le phénomène n’est pas nouveau, il a pris une ampleur inédite ces dernières années. Les groupes criminels, de plus en plus organisés, utilisent des techniques avancées pour contourner les défenses traditionnelles.
En France, les PME, ETI et TPE ont représenté plus de 61,7 % des attaques recensées au deuxième trimestre 2024, avec 36,2 % pour les PME seules .
Ces chiffres traduisent une tendance lourde : les cybercriminels ciblent désormais les structures les plus vulnérables, souvent moins bien protégées que les grandes entreprises.
Le cas Lockbit : un groupe qui domine la scène française
Parmi les groupes les plus actifs, Lockbit s’est imposé comme le principal acteur du paysage français. Au deuxième trimestre 2024, il a revendiqué 13 attaques sur le territoire, loin devant ses concurrents BlackCat et 8Base .
Ce groupe, apparu en 2019, fonctionne selon un modèle de ransomware-as-a-service (RaaS), où des affiliés louent l’outil pour mener leurs propres attaques.
Leur stratégie est redoutable : pénétrer les systèmes via des failles connues, chiffrer les données, puis menacer de les publier si la rançon n’est pas payée. Cette double extorsion accroît la pression sur les victimes, notamment lorsqu’il s’agit de données sensibles ou confidentielles.
Une PME bretonne paralysée pendant 10 jours
En avril 2024, une PME de l’agroalimentaire basée en Bretagne a vu l’ensemble de son système informatique paralysé. L’attaque, déclenchée par un simple e-mail de phishing, a chiffré les serveurs de gestion des stocks, de la logistique et de la facturation. Résultat : 10 jours d’arrêt complet, des livraisons annulées, et une perte estimée à plus de 250 000 euros.
L’entreprise a refusé de payer la rançon, préférant faire appel à un prestataire spécialisé pour restaurer ses données à partir de sauvegardes. Mais le coût de la reprise, combiné à la perte de confiance de certains clients, a laissé des traces durables.
Quelles sont les conséquences économiques et humaines ?
Les impacts d’une attaque par ransomware vont bien au-delà de la simple perte de données :
- Interruption d’activité : en moyenne, une PME met entre 15 et 21 jours à reprendre son activité normale
- Perte financière directe : les coûts de récupération, d’expertise, de communication et de renforcement de la sécurité peuvent dépasser 100 000 euros.
- Atteinte à la réputation : les clients et partenaires peuvent perdre confiance.
- Stress et surcharge pour les équipes internes, souvent peu préparées à gérer une crise de cette ampleur.
Prévention : un maillon encore trop faible
Malgré la montée des risques, seulement 38 % des PME françaises disposent d’un plan de réponse aux incidents, et moins d’une sur deux effectue des sauvegardes régulières hors ligne. Pourtant, les recommandations sont claires :
- Sauvegardes fréquentes, stockées hors ligne ou dans un cloud sécurisé.
- Mises à jour automatiques des logiciels et systèmes.
- Pare-feux et antivirus de nouvelle génération.
- Authentification multifactorielle (MFA) pour les accès sensibles.
- Formation continue des collaborateurs aux risques numériques.
« La cybersécurité ne doit plus être perçue comme un coût, mais comme un investissement stratégique », souligne un expert de l’ANSSI.
Que faire en cas d’attaque ?
Lorsqu’une cyberattaque survient, la réactivité est un facteur déterminant pour limiter les dégâts et protéger les actifs de l’organisation. Chaque minute compte, et il est essentiel de suivre un protocole clair et structuré pour contenir l’incident, en comprendre l’origine et en atténuer les conséquences.
- Isoler immédiatement les machines infectées : La première action consiste à déconnecter les équipements compromis du réseau pour éviter toute propagation. Cela inclut les postes de travail, les serveurs, mais aussi les périphériques connectés. Cette mesure de confinement est cruciale pour limiter l’impact de l’attaque.
- Prévenir les autorités compétentes : En France, il est recommandé de contacter l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) ou la gendarmerie spécialisée en cybercriminalité. Ces autorités peuvent fournir un accompagnement technique et juridique, et contribuent à la coordination nationale de la réponse aux incidents.
- Faire appel à un expert en cybersécurité : Un spécialiste en réponse à incident pourra analyser l’attaque, identifier les vecteurs d’intrusion, évaluer l’étendue de la compromission et proposer des mesures correctives. Cette expertise est indispensable pour éviter une récidive et renforcer les défenses.
- Informer les clients et partenaires si des données personnelles sont concernées : Le RGPD impose une notification à la CNIL dans les 72 heures en cas de violation de données personnelles. Si les risques pour les personnes concernées sont élevés, une communication directe auprès des clients ou partenaires est également obligatoire.
- Ne pas supprimer les fichiers chiffrés : En cas de ransomware, il est essentiel de conserver les fichiers chiffrés, même s’ils semblent inutilisables. Ils peuvent être nécessaires pour une éventuelle récupération via des outils de déchiffrement ou pour l’analyse technique de l’attaque.
Faut-il payer la rançon ?
La question divise. En 2023, plus de 30 % des entreprises ayant payé la rançon n’ont jamais récupéré l’intégralité de leurs données. De plus, le paiement alimente un modèle économique criminel et expose à de nouvelles attaques.
Les autorités françaises, comme l’ANSSI, déconseillent fortement de céder au chantage. Certaines assurances cyber couvrent les frais de récupération, mais le paiement de la rançon reste exclu ou très encadré.
Se reconstruire : un processus long et coûteux
La sortie de crise, après une cyberattaque, ne se limite pas à la restauration des systèmes : elle implique une démarche structurée visant à rétablir la confiance, renforcer la sécurité et tirer les leçons de l’incident. Plusieurs étapes clés doivent être suivies pour assurer une reprise efficace et durable.
La première consiste à restaurer les données à partir de sauvegardes saines. Il est essentiel de s’assurer que les sauvegardes utilisées ne sont pas compromises et qu’elles permettent de revenir à un état stable du système, sans réintroduire de vulnérabilités.
Un audit de sécurité approfondi doit ensuite être mené pour identifier la faille exploitée par les attaquants. Cette analyse permet de comprendre l’origine de l’incident, les vecteurs d’intrusion, et les éventuelles faiblesses organisationnelles ou techniques.
Sur cette base, l’organisation peut procéder au renforcement de ses protections : segmentation du réseau, mise en place ou généralisation de l’authentification multifacteur (MFA), amélioration des outils de supervision et de détection, durcissement des accès, etc.
Une communication transparente avec les parties prenantes — collaborateurs, clients, partenaires, autorités — est également indispensable. Elle permet de restaurer la confiance, de montrer que des mesures concrètes ont été prises, et de répondre aux obligations réglementaires en matière de notification.
Enfin, il est crucial de mettre à jour le plan de réponse aux incidents, en intégrant les enseignements tirés de l’attaque. Cela inclut l’ajustement des procédures, la révision des rôles et responsabilités, et la planification d’exercices de simulation.
De plus en plus d’entreprises choisissent également de souscrire à une assurance cyber. Ces offres, en forte croissance, peuvent couvrir les coûts liés à la gestion de crise, à la restauration des données ou aux pertes d’exploitation. Toutefois, les conditions de couverture varient fortement selon les contrats : exclusions, plafonds, exigences de sécurité préalables… Il est donc essentiel de bien analyser les garanties proposées.
Vers une culture de la cybersécurité
Au-delà des outils techniques, c’est une culture de la vigilance qu’il faut instaurer. Cela passe par :
- Une sensibilisation régulière des équipes.
- Des tests de phishing pour évaluer les réflexes.
- Une implication de la direction dans la stratégie de cybersécurité.
Des plateformes comme Cybermalveillance.gouv.fr proposent des ressources gratuites pour accompagner les PME. Des prestataires spécialisés (MSSP) peuvent également assurer une surveillance continue des systèmes.
Les ransomwares ne sont plus une menace lointaine réservée aux grandes entreprises. En 2025, toute PME est une cible potentielle. Face à cette réalité, la meilleure défense reste la préparation, la maintenance informatique, la prévention, et la résilience. Car dans un monde de plus en plus numérisé, la cybersécurité est devenue une condition de survie.
Conclusion
Face à la montée fulgurante des ransomwares, les PME françaises ne peuvent plus se permettre d’ignorer les enjeux de cybersécurité. La prévention, la formation et une réponse rapide aux incidents sont désormais indispensables pour limiter les risques et préserver l’activité. Plus qu’une dépense, la cybersécurité doit être considérée comme un investissement vital pour la pérennité des entreprises.